... Vendredi 21 Août, septième manche du Championnat national des Fireball, la dernière, trois équipages peuvent encore prétendre à la victoire: Nous comptons 10,4 points davance sur l'équipage Marsault/Koch (14575). S'il gagne, une place de cinquième nous sera suffisante. Léquipage Baines / Green (14398) qui affiche 38 points peut encore gagner à la condition absolue de remporter cette manche et nous de faire plus mal qu'onzième...
Par contre, en comptant notre plus mauvaise manche, nous comptons désormais 0,1 point davance sur léquipage Boime/Gault (14671): Celui-ci ne peut plus nous rejoindre au classement général.
La perturbation prévue pour la nuit a un peu de retard, le vent établi à louest force 4 Beaufort est accompagné dun épais crachin, un renforcement à 5 Beaufort est attendu.
Lheure den découdre approche, lémargement et la cale de mise à leau sont ouverts. En remontant la remorque, je croise le barreur du 14575. Petit échange de politesses: " Que le meilleur gagne !" me dit Fabrice. Je lui souhaite bonne chance...
Malgré un certain retard dans notre timing quotidien de préparation, nous sommes les premiers sur leau, comme si tous les concurrents croyaient encore en un rayon de soleil, pour cette ultime manche.
Puis lors de la séance habituelle de navigation / échauffement / réglages qui précède la manche, je remarque une légère usure de lécoute de grand-voile. Celle-ci a pourtant été remplacée après " La Baule " et na fait que trois régates. Elle devrait bien tenir une manche de plus...
Une fois sur leau, le vent ne nous parait pas plus fort que le premier jour, mais la mer est bien plus formée. Nous faisons quelques essais de vitesse avec certains bateaux.
Dans ces conditions, 14671 semble pouvoir " allonger " un peu plus que nous, alors que nous estimons aller un peu mieux que 14398. Nous décidons de conserver nos 6,83 m de quête, soit 3 cm de moins que le premier jour du championnat, de relever un peu de dérive et de recentrer les barber de foc tout en diminuant légèrement la tension découte...
Nous relevons la direction du vent, la marque au vent et la ligne de départ, le côté bouée paraît favorable, de 10 degrés environ. Le signal dattention est envoyé, nous restons à proximité de 14575...
14398 est également à notre vent... tout va bien...
Départ bout de ligne, au vent de Alleaume/Perdon (13947) et sous le vent de 14398 et 14575, ça monte vite et tôt, cest un rappel général...
Laperçu est envoyé, le Comité de Course modifie lorientation de la ligne de départ, celle-ci devient neutre... Nouvelle procédure... nous décidons de partir coté bateau start... 14575 à notre vent, 14398 disparu... Départ... Léquipage Cadre/Salmon (13283) très bien parti au vent de 14575 couvre très vite celui ci... nous sommes donc entre 13283 qui nous tombe un peu dessus et NED14368 qui tombe également nous laissant ainsi toute latitude de compromis cap/vitesse, alors que 14575 est tombé dans notre dévent... Rappel général... Dommage... Mais nous sommes sereins pour ce qui est des choix de réglages du bateau, et de côté stratégique du parcours... Ce choix semble être également celui de notre adversaire du jour.
Nous redescendons vers la ligne...
Horreur...! La gaine de lécoute de Grand-voile, qui nétait queffilochée, est maintenant sectionnée au point de frottement sur la poulie winch. Lécoute, en se dégainant, risque de rester bloquée dans une poulie... que peut-on faire? Trop tard pour retourner à terre, une nouvelle procédure est imminente et de toute façon nous navons pas découte de rechange.
Nous ne pouvons la dégainer totalement, puisque la partie arrière de la gaine est surliée avec la patte doie...
Nouvelle procédure... Pavillon noir... Compte à rebours en cours...
Nous décidons dau moins dégainer la partie avant de lécoute, problème... la gaine et lâme sont soudées à lextrémité... mes dents en ont raison... et on dégaine... on dégaine... départ moins 3 minutes... nous nous sommes éloignés de plus de 200 mètres de la ligne... dernier point de résistance ça y est la gaine est sortie... départ moins 210... nous abattons en grand vers le bateau comité... je prie pour que lécoute ne reste pas coincée dans une poulie...
Une minute... Il reste peu de place au comité... si... là... un trou de souris dans son tableau arrière...
14575 et 14398 sont invisibles!...
30 nous sommes haut sur la ligne ... 15... 10, trop haut pour lancer le bateau...5, 4... On lance... Top... Je ne sais plus à coté de qui nous partons, mais nous ne sommes pas gênés... Peu de temps après, la hollandaise NED14368 croise bâbord derrière nous... les bateaux sous notre vent nous masquent la partie gauche de la flotte...
Où sont 14575 et 14398?... Nous pouvons envoyer rapidement à droite du plan deau... nous sommes par le travers de NED14368, 5 longueurs à sont vent... les vitesses semblent équivalentes, mais nous avons un meilleur gain au vent... jévite de jouer de lécoute pour éviter tous bourrage et régulièrement je retends la gaine restante...
Vue de la droite du plan deau on ne se sent pas mal du tout, mais cest risqué puisque nous ne savons pas ou se trouvent nos adversaires directs.
Alors, dans un léger refus, bien en dessous de la lay-line tribord, nous abandonnons la compagnie de notre charmante hollandaise (celle qui naviguait torse nue ce jour là) et nous envoyons tribord amure.
Nous prenons un avantage sur un groupe qui revient de la gauche bâbord... En tête du groupe il y a 14335, puis dans sa fumée... il est là! 14575... on envoie bâbord une dizaine de longueurs à son vent pour un contrôle lâche...
Le 14398 est repéré... derrière également... plus loin...
Toute la flotte venant de gauche croise derrière, ceux qui ont continué à droite ne doivent pas être mal placés... Après quelques virements, nous sommes probablement en tête... tout va bien... NED14368 que nous avions prématurément abandonné passe tout de même la marque au vent en tête, nous deuxièmes, suivis de près par 14335 et GBR14314... 14575 dans les dix/quinze... 14398 pas vu...
Maintenant il faut tenir... Alors tenons bon !...
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Bien sûr, après avoir gagné pratiquement toutes les régates auxquelles nous avions participé cette saison, il était légitime de viser le podium de ce national.
Pourtant, il y a moins dune semaine, lobjectif sétait éloigné et paraissait alors inaccessible. A lissue de la manche dentraînement, bien peu de concurrents nous auraient fait figurer dans leurs pronostics.
Le bateau était latéralement instable, et tous les essais de vitesse que nous faisions avec dautres voiliers, étaient confirmés lors de la manche dentraînement: Nous étions littéralement arrêtés au près.
Si nous ne faisions rien, nous devrions plutôt nous résigner à essayer de rentrer dans les dix...
Donc au retour de cette manche dentraînement, soirée réglages en perspective. On mesure tout ce qui bouge... Tension... quête... Bateau couché... Mat par terre... ouverture barres de flèches... cintre de mât... Barber de foc... Espionnage...
Question à nos amis belges BEL14661, vainqueurs de la manche: Comment règlent-ils leur gréement?... Réponse: Tu mets le foc, tu étarques une fois, tu couches le bateau, tu tends la drisse de grand-voile le long du mat jusquau vit-de-mulet, et tu mesures le cintre obtenu au niveau des BDF... si tu trouves 5 cm cest bon, sinon ce n'est pas bon... ???!!! Question: Oui, mais tu prends cette mesure avec quelle quête ?... Car comme chacun le sait, prendre de la quête rend les BDF plus poussantes et fait cintrer davantage le mât! Si vous nêtes pas daccord avec cette théorie vous pouvez vous référer au cours magistral rédigé par Jean-Charles SCALE (prononcez scaïl) et publié dans notre bulletin il y a quatre ou cinq ans...(et sur ce site)
Grands yeux ronds de BEL14661: " Ca na pas dimportance! Tu mets le bazar par terre, tu tends bien et tu mesures "...
Super, merci Stéphan...
La hollandaise de NED14368, nous confie sympathiquement le " Tunings guide " des voiles Number One. Celui ci préconise pour un mât Stratos, quel que soit lemplacement du pied de mât, une ouverture de 135 mm pour des BDF de 420 mm de longueur.
Nous essayons... Pas mal ! Le mât cintre à lenvers !
Nous décidons finalement, de revenir à notre réglage de base de début de saison, nous raccourcissons les BDF dun petit centimètre chacune et les refermons également dun centimètre, tout en mettant un peu plus de tension dans le géement, en modifiant lancrage des haubans pour conserver une quête identique... Sans trop y croire.
Le lendemain, sortie bien avant la manche pour peaufiner les réglages dynamiques, puis pour faire quelques essais de vitesse avec différents concurrents.
Le bateau semble transformé... Lassiette latérale est stabilisée: Nous redécouvrons le plaisir de naviguer au près bateau plat, voire légèrement contre-gité...
Puis manches 1 et 2, départs corrects et premiers près inspirés: Le résultat est sans appel...
Il faut savoir que contrairement à quelques années auparavant (Au début des années 90), ou 3 ou 4 bateaux en France (et surtout, rappelez-vous du Charles-Edouard ) allaient plus vite que les autres parce quétant alors au top de la " technologie des Fireballs ", lorsquun de ces bateaux était mal réglé, il allait au pire aussi vite que les Fireballs moins modernes mais restait dans les 5 premiers, on disait également quun ou deux de ces bateaux allaient plus vites que tout le monde.
Aujourdhui une bonne majorité de la flotte a été renouvelée avec du matériel compétitif aux réglages très proches. Lécart de vitesse entre ces bateaux est très faible et un défaut de mise au point est immédiatement sanctionné. Nos beaux fireballs sont devenus des mécaniques de précisions, hyper sensibles aux règlages les plus fins. Il ny a plus un bateau plus rapide que les autres, mais une flotte aux performances homogènes, dont certains ont un léger " plus " selon les conditions et quelques autres des " trous de réglages " ou " de technicité "...
Et juste avant le championnat nous faisions partie de ce groupe...
Alors comment en sommes nous arrivés là ?... Et bien tout simplement:
Fort de ce constat, voici la leçon que jen tire:
Je précise " si vous le pouvez ", car nous sommes tous des amateurs, amateurs éclairés certes, et il est difficile de concilier vie familiale, vie professionnelle, régates, entraînements et autres...
Alors lorsquil sagit de concéder, voire sacrifier... Le choix doit être vite fait...
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Finalement, lécoute de grand-voile a tenu la manche et nous aussi !
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Cette victoire est un peu une revanche sur lédition 96, où le titre était apparu chanceux à certains, puisque la dernière manche étant annulée par un comité de courses jugeant les conditions météo trop instables, après un départ sans vent où cest vrai nous nétions pas au mieux... et puis on disait aussi que lédition 96 était une petite édition, puisque tous les ténors de lépoque nétaient pas présents...
Pour lédition 98, je regrette toutefois la défection de lexplosif tandem Cordelle/Barradat... dommage que Jean-Luc se soit blessé à lentraînement (après nous avoir convaincu de notre lenteur au près)... Ils pourront toujours essayer de reconquérir leur titre lan prochain!
Alors, comme certains concurrents et organisateurs me lont fait remarquer sympathiquement lors de la remise des prix :
Cette année, il ny a pas photo! Et jen suis très fier!
Jen profite bien sûr pour remercier tous les membres du club nautique et de la municipalité de Notre-Dame-de-Monts, organisateurs de cet événement.
Tout le monde, étrangers et Français, accompagnateurs et concurrents, a été subjugué par la qualité de laccueil quils nous ont réservé, par leur compétence, leur dévouement et leur efficacité.
Larrêté municipal qui interdisait la circulation aux véhicules extérieurs à la manifestation, le panneau démargement et ses jetons spécialement confectionné pour loccasion, Le raid, les réservations demplacements au camping, les verres de lamitié... Il ne manquait rien... tout était prévu, même ce à quoi on navait pas pensé: Ils avaient même prévu la journée des femmes...
Ce sont dailleurs le raid " Notre-Dame / Saint-Jean-de-Monts " aller et retour et, la séance vidéo lancée à linitiative de Philippe Gault, qui mont donné lidée dun National nouvelle formule: Quelques manches classiques sur un grand parcours dune heure et demi faisant appel aux performances des bateaux et aux diverses stratégies classiques appliquées au triangle olympique, un raid permettant de mettre en oeuvre les qualités de navigation et dobservation des équipages, et quelques manches dun quart dheure / 1 demi-heure sur des petits parcours qui obligent à naviguer " au contact ", où les fins tacticiens et manoeuvriers hardis (ou agressifs) peuvent sexprimer.
A ceux qui objecteraient quune flotte trop dense est difficile à gérer pour un comité de course, je leur rapellerai que pendant les glorieuses années du dériveur il nétait pas rare, dans certaines séries, daligner cent concurents sur une ligne de départ sur le plan deau de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Il me semble même que ce club ait accueilli récement près de 80 Laser.
Afin que les concurents restent au contact jusquau bout, Un aménagement du parcours de type " banane ", composé dun près raccourci, dun vent arrière tactique puis dune remontée au vent rapide, pourrait-être prévu.
Quen pensez-vous?
Innovation ou décadence?
Bravo également aux membres du comité de course, qui na pas eu à gérer les facéties dun vent capricieux, mais qui nous a mouillé des parcours tip-top avec des largues peu athlétiques qui avaient le mérite dêtres " plus tactiques ".
Mes excuses à notre présidente de Jury, puisque je fus lun des seuls concurrents à oser troubler la passivité de sa semaine de vacances.
Pour terminer, bien quétant peu doué pour les jeux de loterie, je vais vous livrer un pronostic...
Au delà de leurs résultats dans ce championnat, et pour avoir navigué à leur proximité, il serait prudent de renforcer la surveillance des équipages Alleaume/Perdon et Boime /Gault, sur les plans deau.
La victoire dun de ces équipages dans lune des toutes prochaines régates ne serait pas surprenante.
Jean-louis TREGUIER